Co(AI)xistence - Justine Emard

RITES DE PASSAGE

DU 12 DECEMBRE 2018 AU 12 JANVIER 2019

 

La Galerie Charraudeau est ravie de présenter sa nouvelle exposition « Rites de passage » de Justine Emard et Ilya Fedotov-Fedorov, dans le cadre d’une collaboration avec le curator Sasha Pevak. Ce projet, centré sur l’intérêt des deux artistes pour des formes de vie expérimentales, met en parallèle les sciences avec les pratiques spirituelles et explore une dimension rituelle de la recherche scientifique.

Les pratiques des artistes Justine Emard et Ilya Fedotov-Fedorov sont marquées par un intérêt profond pour des univers scientifiques. Depuis quelques années Justine Emard développe une œuvre autour des formes de vies artificielles, notamment dans des laboratoires de robotique au Japon. À travers celle-ci, elle s’interroge sur les modèles possibles de coexistence entre humain et robot. Alors que Ilya Fedotov-Fedorov, attiré par le monde de la biologie, réalise des travaux qui se placent à mi-chemin entre les sciences de la nature, la science-fiction et les cultes. Son travail indique, entre autres, les voies par lesquelles des récits scientifiques peuvent être soumis au service de fictions politiques, idéologiques ou religieuses.

A quel moment une expérience scientifique, qui est supposée d’avoir un but utilitaire, se rapproche-t-elle d’un rituel, qui lui aborde l’inexplicable? On attache souvent le rituel à la réalité des communautés archaïques, mais cette notion peut également s’appliquer aux sociétés modernes : dans un sens large, les rituels sont « des performances collectives formalisées, qui combinent généralement mouvement et discours, tant visuel que verbal » (Graeme Gill). Par le biais d’une action rituelle, « les institutions inscrivent leurs objectifs, les valeurs et les normes sociales dans les corps », suggère Christoph Wulf ; la structure sociétale se reproduit alors grâce à la culture rituelle, assimilée et performée par un corps collectif.

Le vocabulaire et les gestes répétitifs de la recherche scientifique forment, selon Ilya Fedotov-Fedorov, tout un langage rituel et auto-référentiel de cette communauté d’expert.e.s. Dans la pratique de l’artiste, les espèces hybrides qui semblent être issues d’expériences de laboratoire, sont soigneusement ordonnées selon des méthodes d’apparence rationnelle. L’artiste emprunte les codes verbaux et visuels, que les sciences ont élaboré au cours de l’histoire pour présenter les fruits de sa recherche : des cabinets de curiosité et herbiers jusqu’aux laboratoires contemporains. Ilya Fedotov-Fedorov affirme, entre autres, que les outils de recherche étant devenus tellement sophistiques, les données scientifiques ne sont plus vérifiables : elles deviennent la prérogative de la communauté d’expert.e.s – porteuse de la « vérité » scientifique. Mais si les résultats d’une recherche doivent être pris à la lettre, où se positionne alors la frontière entre la vérité scientifique et le dogme ?

Dans l’œuvre de Justine Emard, les différentes étapes de « vie » d’un robot : la conception, l’existence, l’abandon –, sont présentées sous une lumière spirituelle. Depuis 2016, l’artiste collabore avec deux laboratoires de robotique des Universités d’Osaka et de Tokyo, où elle a entamé un travail autour d’un robot particulier : Alter. D’une apparence anthropomorphe, ce robot « auto-didacte » apprend en permanence mais ne cherche pas à imiter le comportement humain : grâce à l’utilisation du deep learning, il récupère des données issues de son environnement pour former un langage et une gestuelle qui lui sont propres. L’œuvre vidéo Co(AI)xistence (2017) documente une expérience pensée et mise en scène par Justine Emard. Dans celle-ci, Alter rencontre le danseur Mirai Moriyama ; par une chorégraphie et des sons répétitifs une communication non-verbale s’engage. L’échange dont le sens reste intraduisible dans un langage humain, semble devenir un rituel de rencontre entre l’homme et le robot, donnant ainsi naissance à un espace éphémère de coexistence pour les deux espèces.

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